La lumière commençait à décliner. A l’horizon, le soleil se reflétait dans la mer. Le froid venant du Grand Nord brassait l’air déjà frais, en une petite bise. On apercevait déjà dans le ciel les deux lunes, Morrslieb et Mannslieb, prête à baigner la nuit de leur lumière blafarde.
Kormin et Kalizh se tenaient au bord de la pointe de la falaise qui dominait la mer d’un coté, et la ville de Klond de l’autre.
« C’est un spectacle dont je ne me lasse pas » chuchota Kalizh
« Même après quatre-vingt dix ans, il est toujours aussi magnifique », répondit Kormin
« Et j’espère qu’il le restera » murmura la jeune druck
Derrière eux, le reste du groupe avait l’air de s’amuser. Kirakel, Miarea, Klauniira, Ryltar, Marayinn, ils étaient tous là, assis dans l’herbe du vaste parc du Palais de Klond, parlant de chose et d’autre. Tous avaient entre quatre-vingt et quatre-vingt dix ans, et venaient du même milieu social, sauf Kirakel, qui lui, venait d’un milieu plus modeste, mais son intégration au groupe fut d’autant plus facilitée que ses aptitudes au combat, pour son age, l’avaient conduit à maintes reprises dans le Palais, où se trouvait les meilleurs instructeurs de l’île.
Kormin et Kalizh, eux, se connaissaient pratiquement depuis la naissance. Les parents de Kalizh, la Maisonnée de Senthlir, étaient certainement les plus riches de Klond. Grande famille de voyageur et de commerçant, ils étaient réputés dans toute l’île, et au dehors, dans les milieux marchands de Clar Karond. Eux et la Maisonnée des Sombracier, étaient lié depuis longtemps déjà, par de forts liens d’intérêts politiques et économiques, et une certaine confiance régnait entre les deux familles. Kormin et Kalizh étaient né la même année, ils avaient grandi ensemble, avaient bénéficié des mêmes précepteurs et donc, de la même éducation générale, la Maisonnée des Senthlir s’occupant de l’éducation économique plus poussée de leur fille, et celle des Sombracier, de l’éducation politique dont Kormin allait avoir besoin une fois au pouvoir.
« Quand pars-tu déjà ? »
« Demain matin, avant l’aube, mes parents veulent que je voie comment on gère le commerce, et Clar Karond est le lieu idéal. »
« Ils ne pouvaient pas mieux choisir »
« Tous ce que je connais de cette cité, c’est le vin d’Hiver » ironisa Kalizh en levant les yeux au ciel
« C’est déjà pas mal, j’en connais peu qui ont la chance d’y goûter » répliqua le jeune druck
« Et c’est pas Kirakel qui fera remonter la moyenne »
« Oh ! Je t’en pris, arrête avec lui. Tu es la seule qui ne l’accepte pas encore. Tout le monde le trouve super sympa. »
« Je sais, mais moi, ça passe pas, c’est comme ça, je le trouve différent, c’est tout »
Kormin savait que ce qui énervait le plus la druck, c’était le fait que Kirakel viennent d’un milieu plus modeste, comparé à sa famille. Il connaissait l’aversion qu’avaient ses parents à l’égard de personne comme Kirakel. Il faudrait sûrement un moment avant qu’elle ne l’accepte vraiment. Un silence s’abattit entre les deux druchii, alors que derrière, les rires se faisaient entendre, et en particulier celui plutôt aigu de Klauniira.
« Je me suis toujours demander ce qu’il y avait au-dessus de nous, plus loin que les lunes »
« Une matriarche m’a dit que Khaine nous regarde tous, et qu’il veille sur nous pour nous guider »
Kormin se retourna vers Kalizh, incrédule :
« Et tu la crois ? »
« Bien sur, même si je ne les écoute pas souvent, rigola-t-elle. T’a jamais pensé à aller dans la Tour de la Bibliothèque ? Tu pourrais demander à ceux qui y travaillent de t’expliquer ce qu’on voit dans le ciel la nuit, les étoiles, tout ça….. »
« J’y suis déjà allé, mais ils me fatiguent avec leurs explications scientifiques. En plus, dés qu’il y en a un qui commence à m’expliquer quelque chose, les autres finissent par arriver pour le contredire. Non, ce que je préfère, c’est regarder dans leurs télescopes, pour voir Lilealth et Yenlith de plus près…. »
« Je n’aime pas trop aller à la Bibliothèque, c’est pesant à la fin… »
« Oui, tu préférerais plutôt voir les Sacrifices dans les Temples » fit-il avec un grand sourire moqueur
« C’est sûr, j’aimerais trop qu’il y en est un à Klond. J’espère que j’arriverais à en voir un à Clar Karond. »
« Chacun ses rêves…. »
Alors que la famille de Kalizh avait de proches amis parmis le Culte des Furies, Kormin, lui, avait entendu parler d’un certain Kalthos Tedhlir, qui disait que le Culte des Furies ne vénérait plus le Dieu à la Main Sanglante, mais qu’elles adoraient secrètement le Prince des Plaisirs. Mais ça, il le gardait pour lui…
« Tu pars pour combien de temps ? » lâcha Kormin
« Au moins plusieurs semaines, d’après mes parents. En plus, Cadax m’a promis de me faire visiter le reste de la ville et de me montrer les Arches Noires. T’imagine, si je rentre à Klond en ayant vu que les marchés…. »
« J’aimerais bien voir les Arches Noirs moi aussi. »
« Un jour, si j’y retourne, je t’emmènerais. » fit -elle avec un clin d’œil.
Ils se regardèrent et sourirent. Au loin, les rires se taisaient. La nuit était bien tombée, et le froid était de plus en plus rigoureux. Ils retournèrent avec les autres, et repartirent vers le Palais désormais éclairé. La réception qui était donnée ce soir-là allait sûrement durer encore un moment, et tous comptaient bien en profiter le plus possible.